Les premières maisons fortes
L
es maisons fortes de la vallée d'Aoste ont aujourd'hui diverses apparences, de l'état de ruine à une grosse maison bourgeoise.
On trouve un nombre important de maisons fortes, environ une cinquantaine, dans la vallée d'Aoste. Il n'est pas rare d'en voir plusieurs implantées sur une même commune, mais sur différents hameaux. Elles sont dans la vallée principale, ou sur les routes des grands cols, ouvrant sur l'extérieur de la région: cols du petit et grand Saint-Bernard, cols de Cogne vers le Piémont.
Les "domus forte" du XIIe s.
Les premières sont mentionnées dans les hommages rendus à la Maison de Savoie dès le début du XIIème s. « Domus forte » puis « Casa forte » ou « Castello », elles prennent des dénominations différentes selon les époques et les propriétaires. Elles sont souvent nommées en fonction du hameau sur lequel elles sont érigées ou de la famille qui les possède: « Domus di Alingio » dès le début du XIIe s. (sur la commune d'Aoste), « clusum Avisii » appartenant à Amedeo d'Avise (sur la commune de Morgex)...
Elles sont pour la plupart dotées de tour, symbole du pouvoir, accolée à un bâtiment rectangulaire sur deux ou trois étages. A l'origine, elles étaient ceintes d'une enceinte fossoyée, pourvue d'une palissade mais ces éléments architecturaux ont aujourd'hui disparu et nécessiteraient des fouilles archéologiques approfondies.
Des bâtiments annexes sont encore visibles pour certaines d'entre
elles et étaient certainement destinés à la production
agricole. D'autres possèdent leur propre chapelle, leur four à pain...
Ainsi, de par leur architecture et leur implantation dans le territoire, elles représentaient le pouvoir central (symbole de la tour et des éléments défensifs) mais aussi régissaient la vie quotidienne en milieu rural.
Maison forte et tour de Ville, commune d'Arnad.
Maison forte typique, elle est composée d'un quadrilatère
de 10,30 m x 11 m, aux murs de 2 mètres d'épaisseur, et d'une
tour, au sommet tronqué aujourd'hui. La porte était à la
création de la tour à 8 mètres au dessus du sol, pour
des raisons défensives.
Elle se fond aujourd'hui dans un ensemble architectural composé de
cette maison forte, accolée à une
autre, le tout en réfection. On peut encore voir certains aménagements
esthétiques datant d'une seconde période tels des fenêtres à meneaux.
Maison forte et Tour de Ville, XIIe s., Commune d'Arnad.
Un troisième ensemble architectural, le « castrum Arnadi », se situe en haut de la commune. Cette présence nombreuse d'habitats fortifiés et symboles de pouvoir provient certainement des rivalités entre trois familles au XIIIe s. pour ce territoire : la famile des Bard, celle des Arnad et celle des Vallaise. C'est cette dernière qui emporte la mise et fonde au XIVème une seigneurie rurale homogène, avec le château et les deux maisons fortes livrés par Pierre de Vallaise au comte de Savoie lors des audiences de 1295.
Château Vallaise d'Arnad, commune d'Arnad. Longtemps divisé en deux parties appartenant à deux branches de la famille Vallaise, les Vallaise-Montalto et les Vallaise-Romagnano, il est réuni par une longue galerie.
La maison forte de Néran, commune de Châtillon.
La tour carrée et massive date du XIIe s. Puis sont venus s'adjoindre
divers bâtiments, de hauteur et d'usage divers au fur et à mesure
des siècles. A l'ouest du bâtiment, un premier agrandissement à usage
résidentiel : on y voit encore la trace du confort et de l'élégance
voulus pour cette partie : cheminées, plafond à caissons,
loggia en bois, ainsi que des fenêtres au décor travaillé. A
l'est de la tour, un ensemble destiné aux services et à la
vie quotidienne : on y trouve encore le four à pain, aux grandes
dimensions, certainement collectif.
De l'autre côté de la route, aujourd'hui, se trouve une chapelle, à l'usage des habitants de la maison forte.
Maison forte de Néran, XIIe s., commune de Châtillon. Restauration de 2008. (M. Cortelazzo).
Le château Verdun, commune Saint Oyen.
Cette maison forte, nommé « château », est encore active aujourd'hui dans sa fonction d'origine. Créée entre le Xème et le XIème siècle, elle est donnée en 1137 à l'hospice de Saint-Bernard par Amédée III, 7ème comte de Savoie. Elle était à la fois une étape pour les voyageurs qui traversaient les Alpes mais aussi le grenier de l'hospice dont elle dépendait, le grand Saint-Bernard, situé à Montjoux.
Château Verdun, XIe s., commune de Saint-Oyen.
